Parmi les cancers vulvaires , les carcinomes épidermoides ( spinocellulaires) sont de très loin les plus fréquents.ils se présentent soit  sous l'aspect du classique cancer de la vulve soit sous l'aspect de carcinome in situ ( maladie de Bowen ).

La fréquence du carcinome in situ a beaucoup  augmenté au cours des dernières décades surtout chez les femmes jeunes.

L'aspect clinique de ces lésions au début est parfois déroutant surtout pour les cancers in situ .En conséquence la biopsie vulvaire , au besoin multiple , s'impose au moindre doute .

 

1-) LES CARCINOMES EPIDEMOIDES VULVAIRES :

 

Il faut distinguer fondamentalement le carcinome  invasif et le carcinome in situ , d'évolution et de pronostic très différents. En effet , si le carcinome in situ peut devenir invasif , cette évolution est assez rare et souvent relative.

 

1.EPIDEMIOLOGIE:

 

le carcinome in situ atteint classiquement les femmes de 30 à 50 ans voire plus jeunes.Il parait provoqué par une infection à papilloma virus oncogène ( en particulier HPV 16 ) ressemblant beaucoup en cela au cancer du col utérin avec lequel les  associations ne sont pas rares.

Le problème du carcinome invasif d'emblée est très différent .Trés souvent  celui-ci accompagne un lichen scléreux qui est une maladie à haut risque de cancer vulvaire puisque coexistant avec un carcinome invasif d'emblée dans 90% des cas .

 

2.ANATOMOPATHOLOGIE :

 

le carcinome in situ de la vulve est le degrés le plus sévère des dysplasies vulvaires dont la classification est calquée sur celle des dysplasies cervicales .Comme au niveau du col, on distingue des dysplasies légères , moyenne ou sévères ( appelées néoplasies intra-épithéliales vulvaires ou VIN 1 , 2 ou 3 ) . les dysplasies sévères ou VIN 3 correspondant au carcinome in situ.

Le carcinome in situ ( VIN 3 ) est caractérisé par des mitoses nombreuses et anormales , des anomalies nucléaires , une désorganisation architecturale occupant toute la hauteur de l'épithélium comme au niveau du col dans les CIN 3.

Il faut décrire  deux aspects cliniques très différents selon que le carcinome in situ survient chez une femme ménopausée une chez une femme plus jeune .

.Carcinome in situ de la femme ménopausée ( maladie de Bowen ) :

 

 

 

 

 

il faut bien connaître la possibilité de répression spontanée justifiant une attitude conservatrice sous réserve d'une surveillance rigoureuse . l'évolution  vers l'invasion est très rare

 

Cancer épidermoide invasif de la vulve

Malgré sa relative rareté , le cancer invasif de la vulve est un " mauvais" cancer  en grande partie à cause des métastases ganglionnaires précoces .

Qu'il apparaissent sur un épithélioma in situ ou qu'il se manifeste comme un carcinome d'emblée invasif ( le plus souvent à partir d'un lichen scléreux ) , la clinique et l'évolution sont les memes . Par contre le terrain est différent et le carcinome invasif d'emblée est un cancer de la femme agée.

 

ils sont dominés par le prurit mais comme le cancer se développe sur un lichen  scléreux  ancien , le prurit est lui-même ancien et n'attire pas l'attention. .Les brulures surtout à la miction. . Plus rarement un discret saignement. . Parfois rien du tout.

 

 On cherchera :

.un aspect de lichen scléreux très souvent associé au cancer invasif d'emblée qui survient rarement sur vulve saine.

.un aspect de leucoplasie.

L'extension locale sera étudiée ainsi que les aires ganglionnaires en particulier inguinales.

-Les examens cytologiques et histologiques : le diagnostic :

          . pourra etre orienté par la cytologie .

          . sera  toujours confirmé par la biopsie.

-le bilan d'extension :

    

    . l'extension  locale est appréciée :

                 -en surface par les dimensions de la tumeur .

                 -en profondeur  par l'examen du méat urinaire , de l'urètre , de l'anus, du

                  canal anal , de la situation de la tumeur par rapport aux parois pelviennes.

    . l'extension régionale : les adénopathies inguinales sont facilement  accéssibles

      mais ne traduisent pas nécessairement un envahissement ganglionnaire. Les

      adénopathies pelviennes y compris rétrocrurales sont peu accessibles aux examens

      pelvien. 

    .l'extension à distance : les métastases  sont  rares.

Classification TNM ( FIGO)

T- Tumeur primitive

      Tx :  détermination impossible de la tumeur primitive .

      T0 :  pas de signe de tumeur primitive .

      Tis : carcinome  in situ .

      T1 :  tumeur limitée à la vulve  inférieur  ou égale à 2 cm dans sa plus grande

              Dimension.

      T2 :  tumeur limitée à la vulve supérieur à 2 cm dans sa plus grande dimension.

      T3 :  tumeur envahissant soit la portion inférieur de l'urètre soit le vagin soit le

               périnée  ou l'anus.

      T4 :  tumeur  envahissant soit la muqueuse de la véssie ou de la portion supérieur

                 de l'urètre , soit la muqueuse du rectum ou tumeur fixée au squelette

                 pelvien .

N- Adénopathies régionales

     Nx : appréciation impossible de l'atteinte nodale.

     N0 : pas de signe d'envahissement nodal.

     N1 : nœuds palpables dans l'une ou les deux régions inguinales , non augmentés

               De volume , mobiles ( non cliniquement suspect d'envahissement )

    

    N2 : nœuds palpables dans l'une ou les deux régions inguinales , volumineuses

              Fermes et mobiles ( cliniquement suspect d'envahissement )

    

     N3 : nœuds fixée ou ulcérée à la peau .

M- Métastases à distance

      Mx : détermination impossible de l'extension métastatique

       M0 : pas de signes cliniques de métastases .

       M1a : noeuds palpables en profondeur dans le petit bassin .

       M1b : autres métastases à distance.

 Traitements

A- Chirurgie

La vulvectomie totale avec évidement ganglionnaire inguinal bilatéral en monobloc est l'intervention de choix (cancer plurifocal). Relativement bien supportée, sans grande mutilation, cette intervention peut être contre-indiquée chez des patientes fragiles, et peut conduire à des séquelles : rétractions et surtout oedèmes avec grosse jambe liée à l'évidement ganglionnaire. Ce dernier peut ne pas être pratiqué dans le cas de petites lésions ou réduit à une simple adénectomie s'il existe un ganglion palpable.

Une chirurgie plastique ultérieure de reconstruction est possible et proposée pour les patientes jeunes.

Les autres interventions (plus rares) : tumorectomie large, hémivulvectomie, vulvectomie partielle antérieure ou postérieure, peuvent être pratiquées en fonction de l'âge et la présentation clinique.

B- Radiothérapie

La radiothérapie regroupant radiothérapie externe et curiethérapie tire son intérêt de l'extension des lésions aux organes de voisinage et des contre-indications chirurgicales.

La radiothérapie externe utilise principalement des photons de haute énergie. L'irradiation de base est une irradiation pelvienne comprenant la vulve en totalité et les structures adjacentes, de même que les territoires ganglionnaires inguino-cruraux.

En association radio-chirurgicale, la radiothérapie est indiquée :

- En pré-opératoire pour des grosses lésions inopérables d'emblée ou lorsqu'il existe des adénopathies fixées.

- En post-opératoire en cas d'exérèse incomplète (macro- ou microscopique) ou en cas d'envahissement ganglionnaire de plus d'un ganglion, à fortiori lorsqu'il existe une rupture capsulaire, ou en cas de curage incomplet ou non fait (irradiation "prophylactique").

La radiothérapie exclusive s'adresse aux patientes présentant un mauvais terrain chirurgical. Elle intéresse la lésion vulvaire et les territoires ganglionnaires (de principe ou de nécessité).

Les doses délivrées en radiothérapie externe sont de 45 à 50 Gy à raison de 8 à 8,5 Gy par semaine en 4 à 5 séances pour l'association radio-chirurgicale.

En radiothérapie exclusive ou lorsqu'il existe une maladie résiduelle macroscopique (tumorale et/ou ganglionnaire), les doses devront atteindre 60 à 65 Gy, par une technique d'irradiation complémentaire appropriée : photons, électrons ou curiethérapie pour la lésion vulvaire, électrons pour les régions inguinales.

La curiethérapie permet de délivrer une dose élevée dans un temps court, dans un volume restreint. Elle est utilisée dans 3 circonstances :

- Associée à la chirurgie, la "curiethérapie de barrage" pré- ou mieux per-opératoire (voisinage de la lésion avec le vagin, l'urètre ou l'anus, ou dans une approche plus conservatrice du traitement, notamment chez les femmes jeunes),

- En complément de la radiothérapie externe en radiothérapie exclusive, ou de la chirurgie en cas d'exérèse incomplète (complément anticipé avant irradiation externe),

- Utilisée seule à "doses complètes", pour des petites lésions bien limitées (60 à 70 Gy).

La curiethérapie peut utiliser un appareil moulé au contact de la lésion, mais plus souvent un dispositif interstitiel implanté dans la lésion et son environnement (fils ou épingles d'iridium 192).

La chimiothérapie est parfois utilisée à titre palliatif pour une maladie évoluée ou métastatique, mais l'état général des malades comparé au faible taux de réponses, la rend rarement applicable.

Par contre, plusieurs études en cours tentent d'évaluer l'intérêt de la chimiothérapie associée de façon à la radiothérapie. Le rôle de cette chimiothérapie est plutôt celui d'une radiosensibilisation. Le 5 fluorouracile et le cis-platinum sont les produits les plus fréquemment utilisés.

Les traitements palliatifs tels que exérèse chirurgicale de propreté, électrocoagulation, radiothérapie palliative, associés à une analgésie générale ou loco-régionale par cathéter péridural ne doivent pas être oubliés dans la prise en charge des lésions dépassées.

Les indications thérapeutiques sont représentées dans le tableau 3.

- Indications thérapeutiques

Pas de contre-indications et/ou locales à la chirurgie

Tis

T < 2 cm

T > 2 cm

T > 2 cm

vulvectomie totale avec surveillance des aires ganglionnaires

vulvectomie totale avec surveillance des aires ganglionnaires

de localisation clitoridienne et/ou adénopathie mobile

vulvectomie total avec curage inguinal en monobloc

Si risque lymphatico-veineux

N0

N1,2

N3

pas de curage mais surveillance stricte ou radiothérapie inguino-crurale

adénectomie simple puis radiothérapie inguino-crurale

radiothérapie inguino-crurale puis adénectomie ou radiothérapie exclusive

La tumeur est petite chez un malade à haut risque

vulvectomie partielle avec surveillance stricte

Contre-indications générales et/ou locales à la chirurgie

 

radiothérapie exclusive

 

 Résultats

 - Survie à 5 ans des cancers de la vulve

 

survie à 5 ans (%)

Selon le type de chirurgie

exérèse large

vulvectomie partielle

vulvectomie partielle avec évidement bilatéral

vulvectomie totale avec évidement bilatéral

 

16

20

32

56

Selon l'envahissement ganglionnaire

N-

N+

 

70 à 80

20 à 48

Selon le volume tumoral

T1

T2

T3

T4

 

50 à 60

35 à 50

15 à 25

0

Selon le type de traitement

chirurgie seule

chirurgie et radiothérapie

radiothérapie seule

 

48

17

12

Les pourcentages de survie à 5 ans sont représentés dans le tableau 4. L'âge et l'état général ne sont pas une contre-indication à la chirurgie et à la radiothérapie.Des traitements rapides à minima sont possibles si l'état général est précaire. En cas de contre-indication à l'anesthésie générale, certains gestes peuvent être effectués sous anesthésie loco-régionale.

Ici, plus qu'ailleurs, la surveillance pendant et au décours des traitement est importante avec prévention des complications de décubitus, traitement précoce des réactions cutanéo-muqueuses et des troubles digestifs induits par la radiothérapie qui peuvent parfois imposer son interruption temporaire.

En cas d'échec ou de rechute, une reprise chirurgicale est parfois possible associée à une curiethérapie en tenant compte des traitements antérieurs ou si la patiente n'a pas été irradiée antérieurement, une radiothérapie externe de rattrapage peut être proposée.

 

. Diagnostic précoce

Le diagnostic précoce de ces tumeurs rares survenant sur des muqueuses dysplasiques repose sur l'examen gynécologique systématique (à fortiori lorsqu'il existe des signes cliniques mêmes minimes tel que le prurit), et la biopsie de toute lésion vulvaire suspecte.

La prévention repose sur le traitement efficace et la prévention des états précancéreux y compris les infections à HPV, en particulier chez la femme jeune.

Les voies de recherche actuelles concernent l'évaluation de traitements chirurgicaux moins lourds, en particulier chez la femme jeune porteuse d'une petite lésion.

Par ailleurs, des traitements combinés de radio-chimiothérapie sont en cours d'évaluation, en particulier pour tenter d'améliorer le pronostic des formes étendues d'emblée.